Monoplan Borel-Morane

Quand le monoplan Borel-Morane est arrivé au Musée de l’aviation du Canada, il avait besoin de nettoyage et de réparations. L’entoilage, bien qu’encore entier, avait subi plusieurs déchirures; la couche d’enduit était en mauvais état et s’effritait par endroit. Étant donné l’importance historique de cet avion, le Musée a décidé de préserver tous les éléments et la finition de l’appareil dans un état aussi proche que possible de l’état original.

Une inspection préliminaire permettait de croire que les parties creuses des ailes et de l’empennage étaient infestées d’insectes. Par précaution, le Borel-Morane a donc été placé dans la « bulle » de dioxyde de carbone afin d’y subir une fumigation pendant trois semaines de façon à couvrir toutes les étapes du cycle de vie des insectes. L’avion a été ensuite retiré de cette chambre de fumigation pour subir une inspection et un traitement complets.

Avant de commencer le traitement d’un artéfact, il faut établir un rapport très documenté de son état, avec photos. Parfois, l’artéfact est partiellement ou totalement désassemblé de façon à examiner toutes ses surfaces. Par la suite, le restaurateur et le conservateur rédigent un projet de traitement spécifiant les procédures et la méthodologie de traitement qui, de leur avis commun, devraient être suivies.

Dans le cas du Borel-Morane, le traitement a commencé par un nettoyage général de toutes les surfaces pour ôter la poussière, la saleté et les débris d’insectes. Plusieurs étapes furent nécessaires pour le fuselage. Les panneaux de contreplaqué situés de chaque côté du poste de pilotage ont été démontés afin de recoller les lamelles décollées. La corrosion des pièces de fixation et de câblage a été enlevée mécaniquement et stabilisée. Avant de remettre les câbles, il a fallu fabriquer des tendeurs semblables aux originaux pour remplacer ceux qui manquaient ou étaient détériorés. Les deux parties du fuselage ont ensuite été jointes à nouveau.

Les roues du train d’atterrissage principal étaient en mauvais état. Le caoutchouc était fragilisé et déformé par aplatissement à cause du temps et des conditions d’entreposage. On ne peut pas faire grand chose pour arrêter la détérioration des composantes de caoutchouc, mais on peut ralentir le processus de dégradation grâce à un entreposage et un environnement adéquat. Le ceinturage en tissus qui renforce les parties externes du caoutchouc a dû être replacé et renforcé pour stopper la détérioration.

Un surbau rembourré se trouve au-dessus de l’ouverture du poste de pilotage du Borel-Morane, devant le pilote. Les matériaux originaux – du cuir rembourré de kapok – étaient en mauvais état et manquaient en partie. Les trous ont été colmatés à l’aide d’une base en mousse de polyéthylène recouverte d’un rembourrage de polyester. Ce matériau de remplissage a ensuite été habillé de cuir noir semblable à l’original et fixé en place. Les petits trous ont été bouchés à l’aide d’un adhésif teinté.

Au fil de sa vie active, le Borel-Morane a subi plusieurs accidents de sorte que l’hélice qui accompagnait l’avion acquis par le Musée était en mauvais état : une de ses pales, fracturée et déformée, avait perdu beaucoup de matière. L’hélice a donc été redressée et renforcée à l’aide d’un adhésif approprié. Une partie manquante d’une pale d’hélice a été remplacée par une pièce de bois collée en place puis sculptée afin de lui donner la même forme que l’autre pale. La nouvelle surface a reçu ensuite une teinture et une couche protectrice de façon qu’elle ait une apparence semblable à son apparence originale. L’avion ayant été acquis sans moteur, il a fallu construire un bâti métallique de façon qu’on puisse exposer l’hélice.

Il a fallu ensuite s’occuper de l’entoilage en coton de l’empennage (dérive, gouvernail, gouverne de profondeur) et des ailes. L’intrados des ailes était en bon état et pouvait donc être nettoyé avec une solution aqueuse de nettoyage, mais l’extrados a exigé un nettoyage plus minutieux à la brosse à poils souples. On a alors élaboré et testé des matériaux et des techniques pour réparer les nombreuses déchirures de la toile. C’est au domaine de la conservation des œuvres picturales que l’on a emprunté des adhésifs et des techniques d’application. Tout d’abord, on a teint de la toile de coton pour avion de catégorie A dans un bain d’eau désionisée contenant de la peinture acrylique. Une fois séchée, la toile a été montée sur du carton souple sans acide puis appliquée avec un fer à coller sur l’arrière de la toile existante à l’aide d’un adhésif thermosensible. Parfois, il n’était possible d’accéder à l’arrière d’une déchirure que par une autre déchirure ou par une zone endommagée, ce qui limitait à la fois la taille de la réparation et le type de technique de réparation. On a alors découvert qu’il était possible de faire des mailles dans le matériau de réparation à l’aide d’un fil et d’une aiguille et d’appliquer une pression modérée sur l’arrière de la zone à réparer. Après traitement thermique de l’adhésif, il suffisait de couper et d’enlever les fils du coté externe de la zone réparée. La dernière étape de la réparation de l’entoilage consistait à appliquer un enduit de résine pour renforcer l’ensemble et permettre le nettoyage ultérieur de l’avion. La majeure partie du temps et des ressources de restauration a été consacrée à la réparation de l’entoilage des ailes.

Le gouvernail de direction de l’appareil avait été réparé antérieurement et recouvert d’un tissu moderne, le Dacron® (appelé aussi « Ceconite »). Le Musée a décidé de ne pas enlever ce tissu pour le remplacer par un autre plus exact historiquement.

Une fois les traitements finis, le Borel-Morane a été soigneusement remonté dans le laboratoire de conservation. Les ailes et les câbles de gauchissement ont été fixés en dernier, non sans appréhension compte tenu de l’âge et de la condition de l’avion. Toutefois, l’avion remonté s’est avéré physiquement stable. Un support réglable a été fabriqué en vue de compenser toute éventuelle déformation du fuselage due au poids de l’appareil.

L’avion a ensuite été démonté et chargé dans plusieurs véhicules pour être transporté au Musée de l’aviation du Canada. Arrivé sur place, l’avion a été remonté et exposé dans l’exposition de Conservation/Restauration pour montrer aux visiteurs un exemple d’appareil ayant subi un traitement de conservation.

L’application à cet aéronef de méthodes de conservation plutôt que de restauration présente plusieurs avantages. Tout d’abord et surtout, ces méthodes permettent de préserver des matériaux et des enduits historiques qui autrement auraient probablement été enlevés. Et bien sûr, la conservation est moins coûteuse en temps et en matériel. Par contre, ces méthodes ont l’inconvénient d’empêcher l’inspection de l’intérieur des ailes, de la dérive et de la gouverne de direction à la recherche de dommages; toutefois, les déchirures et dégâts divers de la toile ont permis de jeter un coup d’œil sur les composantes internes et leur état général.

La conservation du Borel-Morane a exigé un investissement considérable de temps et de ressources. Il a fallu consacrer plusieurs centaines d’heures à nettoyer, stabiliser et traiter les divers éléments de l’avion. Le Musée espère toutefois que, grâce à ces réparations, le Borel-Morane restera stable pendant encore de nombreuses années.