La plupart des découvertes scientifiques sont faites par des personnes qui, en examinant quelque chose qui les intéresse au plus haut point, font des observations non directement liées à ce qu'elles sont en train de chercher. Les recherches que j'ai effectuées m'ont permis de recevoir le Prix Nobel de chimie en 1993, mais ce fut une découverte fortuite puisque j'étais à la recherche d'autre chose.
À titre d'étudiant au postdoctorat, en 1956, je me suis joint au laboratoire du docteur Gobind Khorana qui venait tout juste de découvrir « par accident » la première méthode pratique pour effectuer la synthèse chimique de courts fragments d'ADN. Mes travaux avec Khorana ont stimulé mon intérêt pour les acides nucléiques et les nucléotides-éléments constitutifs de l'ADN-au niveau chimique. À l'époque, le potentiel de ce type de synthèse chimique ou le rôle critique qu'elle allait finir par jouer dans la génétique moderne étaient mal compris.
J'ai toujours pensé que l'on devait pouvoir utiliser des
oligonucléotides synthétisés par voie chimique de séquences définies à titre de sondes, soit pour isoler, soit pour identifier les acides nucléiques naturels. La technique de la mutagénèse dirigée, pour laquelle j'ai reçu le Prix Nobel, permet le remplacement d'un nucléotide à la fois et la modification délibérée de séquences de gènes.
Cette technique facilite aussi l'étude des phénomènes qui régularisent un gène et déclenchent le début et l'arrêt de la synthèse de sa protéine et permet de mieux comprendre le rôle de la protéine et l'importance des acides aminés. Il en résulte une compréhension nouvelle du mode de fonctionnement des protéines, particulièrement en ce qui concerne les maladies qui peuvent être d'origine génétique, comme le cancer ou les infections ou encore celles qui sont causées par une bactérie ou un virus. La mutagénèse dirigée devrait entraîner éventuellement la création de nouveaux médicaments et peut-être même d'une nouvelle thérapie génique qui serait un nouveau moyen de traiter les maladies héréditaires en procédant à des corrections spécifiques des mutations dans le code génétique.
Certains aspects des sciences et des technologies effraient les gens, sans que ce soit pour des raisons précises, tout simplement par manque d'information. C'est la raison pour laquelle j'ai partagé l'argent de mon Prix Nobel avec des programmes de sensibilisation aux sciences. J'en ai aussi donné une partie à la Société des Canadiennes dans les sciences et les technologies afin de stimuler la présence des femmes dans les carrières scientifiques. Finalement, j'ai fait don du reste à la recherche sur la schizophrénie