Deuxième partie : Les instruments
des studios de musique électronique
Le multipiste
Le premier instrument que Le Caine a construit pour le studio de musique
électronique a été le magnétophone spécialisé ou « multipiste » de 1955
(910219). Il s’agit du premier des cinq multipistes construits au laboratoire du
Conseil national de recherches (CNRC). Le Caine a composé sa pièce
marquante Rhapsodie d’une goutte d’eau (Dripsody) en 1955, en utilisant le
multipiste et l’enregistrement d’une seule goutte d’eau. Plusieurs autres
compositions ont suivi.
 Hugh Le Caine s’est servi de cet instrument, le plus ancien multipiste connu, pour composer sa fameuse Rhapsodie d’une goutte d’eau (Dripsody) en 1955. (Bibliothèque nationale du Canada) |
Le multipiste pouvait être utilisé en concert, mais l’expérience n’a été tentée
qu'une fois ; il est donc resté un instrument de studio qui avait uniquement pour
but de faciliter la technique de la « musique concrète » par modification de la
vitesse de reproduction des sons enregistrés. Son fonctionnement ressemblait
beaucoup à celui des synthétiseurs d'échantillonnage modernes, abondamment
utilisés dans la musique populaire, notamment le rap.
Le premier multipiste est demeuré dans le laboratoire de Le Caine, au CNRC,
jusqu’en 1959, après quoi il est devenu l’instrument central d’un nouveau
studio de musique électronique à l’Université de Toronto. Ce studio était le
premier du genre au Canada et le deuxième en Amérique du Nord. En mettant
le multipiste à la disposition de nombreux compositeurs, le nouveau studio a
eu une grande influence sur l’ évolution de la musique électronique. Des
compositeurs sont venus du monde entier pour travailler avec lui.
Les versions ultérieures de l’instrument comportaient de nouveaux éléments
pratiques. L’une d'elles (860005) a été envoyée au nouveau studio de
l’Université McGill, à Montréal, en 1964 ; d’autres ont été cédées à
l’Université Queen's (870022), à l'Université de Toronto (910220) et à un
studio de Jérusalem. Des demandes de multipistes sont parvenues de
l’Angleterre et des États-Unis mais, encore une fois, la commercialisation de
l’instrument a été un échec, comme dans le cas de l’orgue Robb Wave et de
la saqueboute.
Fonctionnement du multipiste
Le multipiste utilisait des claviers incorporant plusieurs caractéristiques de la
saqueboute. L’un des claviers servait à régler la vitesse de lecture des six
bobines de ruban à deux canaux qui jouaient simultanément. Un autre
permettait de combiner les sons obtenus en un seul signal stéréo. Les claviers
présentaient une façon pratique et directe de contrôler l’instrument parce que
les musiciens pouvaient les manipuler facilement et que la hauteur des sons
préenregistrés se modifiait comme sur un clavier ordinaire. Le fait de jouer une
octave sur le clavier doublait (ou réduisait de moitié) la vitesse de lecture et le
son montait (ou descendait) d’une octave.
Les modèles plus récents comportaient d’autres particularités, incluant des
mélangeurs perfectionnés (à touches sensibles), des filtres, des panneaux
lumineux affichant le mode de fonctionnement et la possibilité de jouer jusqu’à
dix bandes stéréo. Ils étaient aussi plus élégants et plus faciles à utiliser.
  
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