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Première partie : Premiers synthétiseurs, claviers et instruments

La saqueboute électronique

En 1945, Hugh Le Caine a entrepris la conception d’un nouvel instrument, la saqueboute électronique (750336) dans son studio d’Ottawa (Ontario). Tous les instruments électroniques ont été d’une manière ou d’une autre les précurseurs du synthétiseur, mais la saqueboute était remarquable par son aspect innovateur. Le Caine connaissait l’orgue Robb Wave et l’orgue Hammond, et il avait déjà construit un harmonium électronique sensible au toucher dans les années 30. Sa saqueboute, toutefois, utilisait une méthode de production des sons et de contrôle acoustique radicalement différente, la commande en tension, qui est devenue la norme en musique électronique par la suite. Parce que la saqueboute a été le premier instrument à incorporer cette technique, on la considère comme le premier véritable synthétiseur.


Original de la saqueboute fabriqué par Hugh Le Caine entre 1945 et 1948. (MSTC)

La première saqueboute a été opérationnelle en 1945 et achevée en 1948. À partir de 1954, Le Caine s’est entièrement consacré à la musique électronique dans un nouveau laboratoire du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Il y a déménagé sa saqueboute pour la soumettre à des recherches plus poussées. Le modèle que voici est le seul qui reste des quatre versions de la saqueboute. Un deuxième a été construit au CNRC de 1954 à 1960. Deux autres modèles ont été mis au point au CNRC de 1969 à 1973 en vue de leur commercialisation sous forme de synthétiseur. Mais l’instrument n’a jamais été fabriqué à l’échelle commerciale, principalement pour des raisons économiques, et a connu un sort semblable à celui de l’orgue Robb Wave avant lui.

Fonctionnement de la saqueboute

La technique mise au point par Le Caine crée une tension de fond automatique que l’on peut maintenir ou varier au besoin. L’intervention physique de l’instrumentiste, qui modifie la position des touches ou des boutons, se traduit par un changement dans la tension existante, ce qui influence plusieurs aspects des sons produits par l’instrument. Cette technique offre un plus large éventail de possibilités, tant pour la personne qui conçoit l’instrument que pour celle qui en joue.

Durant l’été 1946, Le Caine et ses amis ont organisé des séances d'improvisation collective (jam-sessions) dans le sous-sol de sa maison, durant lesquelles ils ont essayé la saqueboute. Le 25 juillet de la même année, ils enregistrèrent Stuart Jennes interprétant à la saqueboute et au piano, les pièces Sleepy Lagoon, Estrelita, et Stardust. En premier lieu, la saquebute a été enregistrée séparément, et, par la suite, on la juxtaposa au piano. Cette séance musicale a été enregistrée sur un disque d’acétate, à une vitesse de 78 révolutions par minute. Il s'agit de la première transcription musicale connue de la saqueboute et, probablement, le premier témoignage enregistré d’un instrument musical électronique.

La saqueboute ne produisait qu’une note à la fois, mais les possibilités de maîtrise de ce son étaient extraordinaires. Le clavier était sensible à une pression verticale, de sorte que les modifications de pression entraînaient des changements d’intensité. Le clavier avait aussi une sensibilité latérale, qui permettait de modifier la hauteur du son de façon subtile ou dramatique. Pendant que la main droite s’activait sur le clavier, choisissant les notes et contrôlant le volume et le vibrato, la main gauche manœuvrait un dispositif de contrôle des formes d’onde novateur, qui pouvait continuellement modifier quatre aspects distincts du timbre ou de la sonorité. La capacité de passer graduellement d’un son à l’autre constituait un atout important de la saqueboute, car l’instrumentiste pouvait éviter le passage brusque d’un type de son à un autre, caractéristique des orgues électroniques. Selon Le Caine, ces commandes détaillées donnaient à son instrument une expressivité qui manquait aux autres instruments électroniques.

Le Caine a composé « Blues pour saqueboute » pour démontrer la possibilité de créer des sons uniques en utilisant la saqueboute.
Avec la permission de Gayle Young, JWD Music, en coopération avec le projet Hugh Le Caine.

Le Caine a conçu la saqueboute en adaptant des techniques déjà connues en physique atomique et en technologie radar et radio, domaines qu’il avait explorés à l’Université Queen’s et, en tant que chercheur, au Conseil national de recherches (CNRC) à Ottawa. Le Caine a utilisé des dispositifs comme les générateurs de forme d’onde, les filtres acoustiques, les modulateurs de fréquence et les modulateurs d’amplitude afin de transformer les formes d’onde en sons audibles.

La saqueboute de Le Caine était « préconnectée », c’est-à-dire que les connexions électriques à l’intérieur de l’instrument ne pouvaient être modifiées. Les synthétiseurs commandés en tension subséquents ont tous été configurés de telle sorte que des fils (ou fiches de connexion) permettaient de mettre sous tension divers modules de l’instrument. Cette approche, qui supposait une certaine compétence technique, est beaucoup moins courante aujourd’hui. Elle s’apparentait aux techniques utilisées dans les studios de musique électronique, qui permettaient aux compositeurs de mener pour la première fois des expériences sur les éléments fondamentaux du son et de tester des idées nouvelles.

Le Canada a d’incroyables trésors!