Il n’y a pas de service au numéro que vous avez
composé…
Contrairement au télégraphe, le téléphone a fini par entrer dans presque tous
les foyers au pays. Alexander Graham Bell, qui a fait breveter cet appareil
facile à utiliser en 1876, proposa que chaque usager (ou usagère) du téléphone
soit branché par fil à un centre de commutation, comme cela se faisait déjà
dans certains réseaux urbains de télégraphie. Dans le cas du téléphone, où
toutes les lignes des abonnés convergeaient, des standardistes pouvaient
brancher deux lignes sur demande. Le premier central téléphonique du Canada
fut ouvert à Hamilton en 1878.
La commutation finit par devenir une sorte de processus de fabrication où les
standardistes, généralement des femmes, effectuaient de façon répétitive des
connexions temporaires entre les abonnés du téléphone. Pour augmenter la
productivité au maximum, les sociétés de téléphone ont transformé le central
téléphonique en une sorte d’usine. Les standards ont été conçus de manière à
réduire les mouvements inutiles et les standardistes avaient pour instruction de
parler en phrases courtes, conventionnelles et bien prononcées.
 À l’écoute. Les standardistes travaillaient dans une sorte d’usine assez particulière. À quelques exceptions près, leurs tâches sont aujourd’hui faites par des machines. (Collection historique de Bell Canada) |
Même si on leur demandait de fonctionner
comme des machines, les standardistes
étaient des êtres humains qui pouvaient
rarement fournir un service rapide,
uniforme et sans défaut dans un central
très occupé. Et à mesure que le nombre
d’abonnés augmentait, les sociétés de
téléphone devaient embaucher et former
de plus en plus de standardistes. Les
inventeurs et les ingénieurs commencèrent
à explorer des façons de remplacer les
standardistes par des machines. Au
Canada, les premiers standards
téléphoniques automatiques, qui utilisaient
des impulsions électriques envoyées par le
téléphone de l’abonné (l’abonnée) pour
mettre sous tension des commutateurs ou
relais électromécaniques, sont entrés en
service au début du XXe siècle.
Le téléphone Lorimer de Connexions
(740604) faisait partie d’un système de standard automatique conçu par Hoyt
et William Lorimer, de Brantford (Ontario). Ces deux frères ont fondé la
société Canadian Machine Telephone Co. et ouvert une usine à Toronto en
1905. Leur équipement a été installé à Brantford et Peterborough, et exporté
en Angleterre et en France. Mais le système de signalisation était incompatible
avec la plupart des téléphones d’autres marques et les abonnés ne pouvaient
être reliés à ceux des entreprises concurrentes. Les Lorimer n’ont donc pas pu
réunir assez de capitaux pour perfectionner leur appareillage et en amorcer la
production en série. Certains éléments de leur système ont néanmoins été
intégrés à des systèmes de commutation automatique qui ont eu plus de succès.

Le système Lorimer, innovation canadienne en commutation automatique. Le réseau téléphonique, maintenant presque complètement automatisé, a été appelé « la plus grande machine au monde ». (Peter Lindell, MSTC) |
La commutation, d’abord manuelle puis automatique,
est l’innovation qui a transformé le téléphone en moyen
de communication de masse. Sans elle, le téléphone
n’aurait été rien de plus qu’un interphone privé
(comme certains le voyaient d’ailleurs au début).
Grâce à elle, n’importe quelle personne au téléphone
pouvait être mise en communication directe avec une
autre, par un réseau complexe de commutateurs et de
relais. Il s’agissait d’un système interactif ouvert,
disposant d’une grande quantité de points d’accès et
de nombreux circuits de rechange. Ce système, qui
fonctionne comme un réseau unique, à l’échelle
mondiale, a été appelé « la plus grande machine au
monde ».
