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Ça ne s’est pas fait
en un clin d’œil

Les images perçues par l’œil humain consistent en variations d’intensité lumineuse (tons) et de longueur d’ondes (couleurs). La lumière réfléchie par l’objet regardé excite des millions de minuscules filaments dans la rétine de l’œil, d’où chaque « parcelle » de lumière captée est transmise, sous forme de courant électrique, au cerveau le long du nerf optique. Le cerveau coordonne ces « parcelles » pour reconstituer l’image globale. Essentiellement, la télévision fonctionne sur le même principe : elle recueille les « parcelles » de lumière, les agence et les transmet au téléviseur, où elles sont reconstituées en une image qui apparaît à l’écran d’une simple pression sur un bouton.

La télévision n’est pas l’œuvre d’un génie solitaire frappé d’une inspiration soudaine. Des penseurs imaginatifs, qui travaillaient isolément ou avec des collègues, sans l’outillage des grands laboratoires ni beaucoup d’argent, en ont été les premiers artisans. Ces pionniers ont travaillé pendant des décennies dans deux directions différentes, la mécanique et l’électronique. L’électronique a fini par l’emporter, principalement grâce aux travaux plus récents de grands laboratoires de recherche privés, mais la démarche mécanique a eu l’avantage au début parce qu’elle était plus simple.

L’époque de la mécanique

En 1884, le jeune chercheur allemand Paul Nipkow a été le premier à essayer de transmettre, par fil, des images animées. Sa théorie reposait sur deux principes importants : l’effet photoélectrique, découvert par Joseph May en 1873, et la persistance rétinienne. La persistance rétinienne est le phénomène selon lequel le cerveau continue de « voir » l’image présentée une fraction de seconde après sa suppression. Ce phénomène explique pourquoi des images qui défilent rapidement en série donnent une impression de continuité.

(Fig.1)
Disque analyseur de Nipkow (690981) utilisé pour diviser une image en une série de lignes (MSTC/Peter Lindell)
Nipkow a mis au point un « analyseur ». En pratiquant une série de trous en spirale dans un disque de métal qu’il a placé entre l’objet observé et la source de lumière, il est parvenu à disséquer l’image en une série de « lignes » d’intensité variable. Ces lignes, converties en électricité par une cellule photoélectrique, étaient transmises à un récepteur où une lampe, braquée sur un autre disque tournant en synchronisme, réagissait au signal changeant et reconstituait une série d’images. Les disques mis au point par Nipkow divisaient l’image en 24 lignes et faisaient 10 tours par seconde. La collection du Musée compte deux disques analyseurs (701455, 690981*) et des composantes d’une caméra de télévision mécanique (700232).

Le premier système utilisé pour une télédiffusion régulière a été mis au point par John Logie Baird. Il combinait les disques de Nipkow à un émetteur et un récepteur. Lors de la première émission de télévision expérimentale en 1926, la British Broadcasting Corporation (BBC) a transmis des signaux images de 50 lignes. Baird a perfectionné son système jusqu’à une définition de 240 lignes et 25 images par seconde. C’est à l’aide de ce système amélioré que le service de télédiffusion de la BBC a été inauguré en 1932.

(Fig.2)
Téléviseur mécanique (691044) conçu par Alphonse Ouimet, Montréal, 1932 (MSTC/Peter Lindell)
Entretemps, en 1931, la station de radio CKAC de Montréal avait diffusé les tout premiers signaux de télévision au Canada. L’image d’environ 40 mm par 40 mm était apparue en rouge et noir. En 1932, Douglas West a fondé la société Canadian Television Ltd. (CTL). Avec le concours de Leonard Spencer, l’ingénieur en chef de CKAC, il a produit en juillet de cette année la première émission canadienne de télévision en direct, réunissant un violoniste, un chanteur et un dessinateur. Ensemble, West et Spencer ont continué de diffuser deux émissions par semaine mais, comme il y avait seulement une vingtaine de téléviseurs qui les captaient à l’époque, l’expérience était prématurée. Au cours de sa brève période d’activité, CTL avait embauché un jeune ingénieur, J. Alphonse Ouimet. Celui-ci, qui deviendrait plus tard président de la Société Radio-Canada, avait alors fabriqué un récepteur mécanique (691044) figurant aujourd’hui dans la collection du Musée.

L’ère de l’électronique

En 1908, l’ingénieur britannique A. A. Campbell-Swinton a proposé un système analyseur qui utilisait un faisceau d’électrons produit par des tubes à rayons cathodiques (TRC) tant à l’émission qu’à la réception. Dès 1897, en dirigeant un faisceau d’électrons sur la surface intérieure fluorescente d’un TRC, Ferdinand Braun avait découvert qu’on pouvait faire dévier le faisceau lumineux sur la surface du tube en utilisant des champs magnétiques extérieurs. Ce fut le fondement de l’oscilloscope et, plus tard, du tube image. La collection du Musée comprend plusieurs spécimens de TRC.

Pour fonctionner, le système exigeait aussi un tube analyseur. Dans la course à la création de cet élément essentiel, il y avait trois concurrents : l’équipe britannique de Electronic & Musical Industries Ltd. (EMI), dirigée par Isaac Schoenberg, Vladimir Zworykin, un Américain à l’emploi de Westinghouse et plus tard de Radio Corporation of America (RCA), et Philo Farnsworth, un autre Américain, inventeur indépendant.

(Fig.3)  Iconoscope (670824) incorporé aux premières caméras de télévision commerciales en Amérique du Nord, vers 1940 (MSTC/Peter Lindell)
Zworykin a démontré sa solution, l’iconoscope (670824), en 1928, Farnsworth a fait breveter son dissecteur d’image en 1930 et, en 1932, EMI a dévoilé le tube analyseur « emitron » qui surpassait le système mécanique de Baird. L’électronique venait de prendre le pas sur la mécanique.

(Fig.4)
Récepteur EMI (750621), 1938. La Grande-Bretagne a inauguré le premier service de télévision électronique régulier au monde en 1937. (MSTC/Peter Lindell)
En 1937, un système fondé sur l’emitron d’EMI a permis de mettre sur pied en Grande-Bretagne le premier service régulier de télévision à haute définition (pour l’époque) de l’histoire humaine. La Grande-Bretagne a établi la norme de 405 lignes et 25 images par seconde (remplacée par celle de 625 lignes en 1964). Un spécimen du récepteur EMI de 1938 (750621), construit d’après la norme de 405 lignes, figure dans la collection du Musée.

(Fig.5)
Récepteur RCA TRK-12 (710663) lancé à l’exposition universelle de New York, 1939 (MSTC)
Des deux appareils américains, l’iconoscope et le dissecteur d’image, c’est l’iconoscope qui s’est montré le plus maniable. En 1939, la National Broadcasting Company (NBC) de RCA a diffusé des émissions expérimentales en direct de l’exposition universelle de New York. La collection du Musée compte un récepteur RCA TRK-12 de cette époque, caractérisé par un tube vertical et un miroir qui réfléchit l’image pour la rendre visible (710663). Cette pièce de collection a servi au Conseil national de recherches du Canada à faire de la recherche sur les radars en temps de guerre.

En 1941, les États-Unis ont fixé la norme de définition de la télévision en Amérique du Nord à 525 lignes et 30 images par seconde (norme encore en vigueur), mais la Seconde Guerre mondiale a retardé le développement commercial de la télévision. La diffusion d’émissions régulières a été entreprise seulement en 1947 aux États-Unis et en 1952 au Canada, suivant la même norme.

* À NOTER : Les numéros entre parenthèses sont les numéros d’acquisition des objets de collection du Musée.