Réponse au Devoir à l'article intitulé « Une exposition sur les sables bitumineux financée par le lobby »
Josée Boileau
Rédactrice en chef
Le Devoir
2050, de Bleury, 9e étage
Montréal (Québec) H3A 3M9
Madame,
Il n'est pas malheureusement pas fréquent que Le Devoir s'intéresse à notre Musée et permettez moi
de vous exprimer notre étonnement quant au bref article de Mme Buzetti, intitulé "Musée des
sciences et de la technologie du Canada – Une exposition sur les sables bitumineux financée par
le lobby" publié le jeudi 29 septembre dernier. L'article porte fâcheusement ombrage à la
réputation de notre institution en laissant croire qu'une intervention de l'industrie pétrolière
canadienne ait pu corrompre le contenu de notre exposition Énergie : le pouvoir de choisir.
Le titre de l'article est réducteur et trompeur. En effet, l'exposition porte sur toutes les sources
d'énergie, non sur les sables bitumineux, et cette manchette induit le public en erreur sur les faits
mêmes qui sont en cause. Peut-être Le Devoir trouverait-il un égal intérêt dans les enjeux
soulevés par l'exposition sur les autres sources tel les gaz de schiste, les filières nucléaire, solaire
ou éolienne, et même l'hydroélectricité, pour n'en nommer que quelques-unes. Pour chacune des
sources d'énergie présentées, les avantages et les défis sont documentés – les sables bitumineux
n'ont pas bénéficié d'un traitement différent. Il n'appartient pas au Musée de promouvoir ou de
dénoncer l'une ou l'autre des sources énergétiques. Ce choix appartient au public. Notre mission
est de l'informer, particulièrement en regard des considérations scientifiques et technologiques
afférentes à ces secteurs, et nous croyons l'avoir fait selon les règles de l'art.
L'exposition invite également le visiteur à réfléchir sur ses propre choix énergétiques. Les
Canadiens sont les plus grands consommateurs d'énergie au monde. Le public méconnait souvent
sa propre consommation et comment les considérations énergétiques sous-tendent toutes activités
de la vie : travail, loisir, alimentation, etc. Nous interpellons les visiteurs sur ces enjeux
énergétiques par des questionnaires interactifs, une « murale-twitter », etc.
Le Musée est jaloux de sa réputation d'autonomie et de qualité dans ses contenus. Comme
plusieurs institutions à but non-lucratif et publiques, nous sollicitons la contribution du secteur
privé pour mieux accomplir notre mission et offrir un service de qualité au public. Vous me
permettrez même un parallèle avec le monde des médias, où le fait de devoir compter sur le
secteur privé sous forme d'achats publicitaires, j'en suis sûr, ne remet pas en cause
l'indépendance de la rédaction.
Le contenu de l'exposition a été préparé par nos propres conservateurs et validé par des experts
indépendants externes et du milieu académique. Nous avons utilisé des artefacts technologiques
et du matériel multimédia fourni par l'industrie afin de mieux illustrer notre exposition, mais non
sans en avoir préalablement jugé de sa pertinence et de la justesse du propos. Nos conservateurs
sont prêts à défendre le contenu de cette exposition et croient qu'elle mérite mieux que le procès
d'intention de votre article.
Nous nous sommes interrogés sur la pertinence du commentaire de M. Guilbeault d'Équiterre.
Celui-ci jouit certes d'une grande notoriété, mais, à notre connaissance, il n'a pas visité
l'exposition. Si cela devait être le cas, vous conviendrez avec moi que recourir à lui pour
commenter l'exposition soulèverait une question digne d'intérêt. Quoiqu'il en soit, son
commentaire nous enjoignant d'utiliser des allégories « plus impressionnantes » pour dénoncer
les sables bitumineux démontre bien sa pauvre compréhension du rôle des musées et la
polarisation des débats énergétiques qui prévalent au Canada. Ironiquement, par ailleurs, ce
commentaire amène de l'eau à notre moulin, alors que M. Guilbeault nous reproche d'évoquer
une réalité factuelle (dont il ne nie pas l'exactitude) et déplore, finalement, que nous n'ayons pas
pris parti en y allant d'une image démagogique. Il fait la démonstration, en somme, de notre
objectivité.
Le Musée a posé un geste audacieux en développant une exposition sur un sujet aussi
controversé, mais par ailleurs d'intérêt public, et nous nous attendions à être critiqués de part et
d'autre. Et nous le sommes. Nous espérons pouvoir collaborer avec Le Devoir afin de donner aux
Canadiens des informations claires et factuelles sur les enjeux énergétiques qui s'annoncent.
Votre article a un impact important sur notre réputation, et nous vous invitons formellement, ainsi
que Mme Buzetti, à faire une visite complète de nos trois expositions sur l'énergie et à rencontrer
notre équipe de conservateurs, afin de mieux vous faire connaître les motifs qui nous ont amenés
à monter cette exposition et les objectifs que nous poursuivons.
Veuillez agréer, Madame, mes sincères salutations.
Présidente-directrice générale
Denise Amyot