Les véhicules Express et les véhicules de marchandises du CN

Essai

MSTC/CN005532
Montréal, vers 1932  

MSTC/CN005723
Montréal, sans date  

MSTC/CN005724
Gare Bonaventure, Montréal, 1939  

MSTC/CN003989
Lieu inconnu, 1942  

MSTC/CN005753
Moncton, Nouveau-Brunswick, sans date  

MSTC/CN005733
Gare Bonaventure, Montréal, sans date  

MSTC/CN005734
London, Ontario, 1954  

MSTC/CN005735
London, Ontario, 1954  

MSTC/CN005760
Toronto, 1952  

MSTC/CN005759
Toronto, 1952  

MSTC/CN005533
Montréal, sans date  

MSTC/CN005736
Montréal, sans date  

MSTC/CN005738
Gare Bonaventure, Montréal, sans date  

MSTC/CN005755
Gare Bonaventure, Montréal, sans date  

MSTC/CN005739
Montréal, sans date  

MSTC/CN005740
Montréal, sans date  

MSTC/CN005741
Montréal, sans date  

MSTC/CN005761
Montréal, sans date  

MSTC/CN005747
Montréal, sans date  

MSTC/CN005745
Gare Bonaventure, Montréal, 1942  

MSTC/CN005756
Toronto, 1952  

MSTC/CN005748
Gare Bonaventure, Montréal, sans date  

MSTC/CN005752
Moncton, Nouveau-Brunswick,1950  

MSTC/CN005758
Lieu inconnu, vers 1959  

MSTC/CN005762
Lieu inconnu, vers 1959  

Les services de transport routier qu’offraient les chemins de fer sont un élément non négligeable de l’histoire de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, plus particulièrement au cours de la période allant de l’absorption du réseau transcontinental du Grand Trunk (Grand Trunk Railway) en 1923 jusqu’à la fin de l’ère de la vapeur en 1959. Deux divisions de ce service de transport, exploitées comme deux sociétés distinctes, avaient étendu la portée du transport de marchandises bien au-delà des environs immédiats des voies ferrées. Les expéditions au détail (EDW), transportées principalement en wagon couvert dans les trains de marchandises et les trains mixtes, étaient rassemblées et distribuées par la flotte de véhicules routiers orangés du service de camionnage. Les envois personnels ou commerciaux de moindre envergure transportés par les trains de voyageurs étaient connus sous le nom de « colis express ». Ceux-ci étaient cueillis et livrés par les véhicules de transport routier bleus du service express.
Dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, les flottes de véhicules bleus et orangés ont été de plus en plus nombreuses autour des gares terminales et des gares secondaires de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, ainsi que sur les routes et les autoroutes partout au pays. Le présent article fera un bref survol historique des services de camionnage et de messagerie du CN pendant leur grande période de prospérité, du début des années 1920 à la fin des années 1950, en s’attardant sur les années qui ont immédiatement suivi la Deuxième Guerre mondiale.
Pendant les premiers 75 ans de leur histoire dans ce pays, les chemins de fer ont occupé une place prépondérante dans le mouvement des personnes et des biens. Un vaste empire de transport et de communications a été établi dans le sillage des voies de chemin de fer couchées sur des milliers de kilomètres de lignes principales et secondaires. Les chemins de fer ont immédiatement accordé une grande importance au transport de voyageurs, en insistant plus particulièrement sur sa rapidité, sa supériorité sur les autres types de trains et ses horaires pratiques. Les deux principaux types de trains à revenus, les trains de voyageurs et les trains de marchandises, ainsi qu’un hybride connu sous le nom de train « mixte », suffisaient généralement à décrire les différentes classes de service de transport de marchandises.
Jusque dans les années 1920, aucun autre mode de transport n’est venu sérieusement menacer les chemins de fer sur le marché des petites expéditions. À partir de 1880, les transporteurs locaux, utilisant d’abord des chevaux et des charrettes et, plus tard, les premiers véhicules automobiles, s’acquittaient de la tâche de faire la cueillette et la livraison des petits colis que les chemins de fer avaient acheminés du point A au point B (souvent après une série de correspondances et de transferts entre différents transporteurs ferroviaires). Lors de la construction du système routier moderne dans les années 1950, le CN a commencé à constituer une flotte de véhicules routiers exploités en conjonction avec les services de transport de colis sur ses trains de marchandises ou express réguliers.
L’octroi des licences de transport routier est plutôt compliqué. Il suffira de dire que pendant un certain nombre d’années, le CN n’était pas autorisé à exploiter des services de camionnage, ce qui rendait les trains dépendants des entrepreneurs locaux. En 1931, les transports nationaux du Canada ont reçu leur première charte d’entreprise de camionnage. Pendant toute la Crise et la Deuxième Guerre mondiale, le CN a graduellement élargi ses activités de camionnage qui étaient pour la plupart concentrées autour de grandes gares, comme Montréal et Toronto, mais il desservait très peu le territoire autour des lignes secondaires ou les régions éloignées. Après la guerre, le CN a accéléré l’acquisition de véhicules routiers de transport de marchandises et express et a constitué une vaste flotte pouvant assurer tant la cueillette que la livraison locales, et desservant des parcours exclusifs. En effet, la société était fière que ses camions et ses chauffeurs « courtois » soient en train de devenir aussi familiers que le camion du laitier ou du boulanger .
À cette époque, et pendant les quelques décennies qui ont suivi, la colonne vertébrale des activités de transport de colis du CN était constituée d’un réseau de voies ferrées principales et secondaires se connectant aux autres transporteurs. Il existait déjà dans les gares principales des quais de transbordement de marchandises et de colis. Le transport ferroviaire des marchandises était établi depuis longtemps et des centaines de hangars à marchandises avaient été construits là où le trafic le justifiait. Dans pratiquement toutes les autres villes, de petites gares offraient une combinaison de services de transport de voyageurs et de marchandises.
Des deux moyens de transport des petites quantités – EDW et express – le deuxième représentait le marché le plus lucratif pour le CN. On a d’ailleurs assisté dans les années 1950 à une vaste expansion des installations de service express. De nombreuses gares de voyageurs ont été agrandies pour accommoder les bureaux de messagerie, tandis que des locaux neufs étaient construits dans d’autres villes. Dans l’ensemble du système du CN, les chefs de gare recevaient une commission de 10 pour cent sur les envois express, une mesure vigoureuse pour inciter ces représentants locaux à attirer la clientèle des services express et à la retenir. Entre-temps, la flotte de véhicules routiers était agrandie pour répondre à la demande croissante.
En plus de se voir octroyer son propre permis, le CN a systématiquement absorbé les licences d’exploitation de petites entreprises de camionnage, dont un grand nombre lui fournissait déjà des services de camionnage ou de messagerie. Les véhicules bleu foncé des services express et les véhicules orangés des services de camionnage étaient de plus en plus nombreux à sillonner les routes dans les années qui ont suivi la guerre. Dans certains cas, ils assuraient simplement la cueillette et la livraison locales. Dans d’autres, ils rayonnaient plus loin, desservant des régions plus étendues en coopération avec les transporteurs de fret aérien ou en complément du mouvement des trains de marchandises rapides. Poursuivant sans relâche l’expansion de leurs services, ils ont complètement remplacé les trains de voyageurs et les trains de marchandises dans le transport de colis de détail et les services express, tout en continuant à fréquenter les hangars à marchandises, les dépôts et les gares multi-service des chemins de fer.
Les véhicules acquis par le CN étaient choisis en fonction du territoire à desservir et du volume des activités. Au fil des ans, les chemins de fer ont exploité une grande variété de véhicules routiers. Dans le présent article, nous donnerons plusieurs exemples typiques de véhicules qui satisfaisaient toutes sortes de demandes.
Le service express du CN et son service d’expédition, dans une moindre mesure, expédiaient des marchandises diverses et peu communes. En plus des marchandises habituelles, des colis privés et commerciaux, les denrées périssables étaient transportées par wagons réfrigérants appelés « reefers ». Les trains de fruits de la péninsule du Niagara et les caisses à claire-voie remplies de saumon du Nord de l’Ontario n’étaient pas rares. Les « reefers » express remplis de poulets en morceaux destinés aux épiceries voyageaient de nuit, attachés aux trains de voyageurs des lignes principales. Les véhicules express du CN attendaient ces trains et leurs marchandises, qui étaient livrées aux quais de déchargement des épiceries en quelques heures. Des roses fraîchement coupées étaient expédiées aux gares principales pour être embarquées à bord de trains de voyageurs ou d’avions. Les fameux véhicules bleus ont transporté des ours noirs, des poussins, des kangourous et des moutons, des cargaisons qui exigeaient toutes des méthodes de transport, d’emballage et d’entreposage pour le moins spéciales. La période des Fêtes était toujours très occupée pour le personnel des hangars à marchandises et des dépôts express, auquel on adjoignait des travailleurs et des agents de transport surnuméraires embauchés en raison de l’augmentation du trafic.
La journée typique d’un conducteur ou « routier » sur un parcours routier (c’est-à-dire une route qui remplaçait ou complétait les services ferroviaires locaux) commençait à un hangar à marchandises ou un dépôt express qui pouvait être intégré dans une gare de voyageurs ou situé dans un immeuble séparé. Après avoir chargé son véhicule au quai, avec ou sans l’aide d’un assistant ou du chef de gare et de chariots manuels, et s’être procuré tous les documents dont il avait besoin, le chauffeur entreprenait ses livraisons matinales. Les marchandises étaient embarquées dans un ordre qui en facilitait la manutention le long du parcours. Le conducteur s’arrêtait régulièrement à chaque gare dans les deux directions où il faisait la livraison et la cueillette de colis divers et échangeait des documents avec le chef ou le personnel du hangar. À la fin du parcours, il faisait demi-tour et s’arrêtait une fois encore dans chaque gare sur le chemin du retour vers la gare où il avait commencé sa journée. Le long du parcours, il restait en communication téléphonique avec sa gare d’origine, qui lui transmettait toute nouvelle information sur les cueillettes. À la fin du trajet de retour, les marchandises étaient déchargées du véhicule et chargées à bord de trains de voyageurs (dans le cas d’expéditions express) ou de trains de marchandises (dans le cas d’expéditions de détail). Un aller-retour typique pouvait couvrir 160 kilomètres (100 milles) et comporter une cinquantaine d’arrêts dans les deux directions, incluant les arrêts dans les gares.
Selon le volume des marchandises ou des colis express, un conducteur pouvait être responsable d’un camion de livraison Divco d’une tonne et demie ou d’un gros porteur, mais il s’asseyait habituellement derrière le volant d’un camion à plate-forme d’une capacité de 3 à 10 tonnes, la boîte recouverte d’une bâche. Les modèles étaient typiquement des Fargo (un produit canadien pratiquement identique à ceux de l’américaine Dodge), des Ford et des International. Certains trajets s’effectuaient la nuit au lieu des habituelles affectations diurnes. Dans les horaires qu’il affichait à l’époque, le CN incluait les trajets et les horaires de ses véhicules motorisés. Dans le cas d’expéditions de grande valeur (par exemple des sacs d’or, de billets de banque ou de médicaments sur ordonnance), le chef de gare local s’emparait du revolver de calibre 38 caché dans son coffre-fort et faisait le trajet, l’arme au poing, avec le chauffeur!
Comme les services de transport ferroviaire de marchandises et de voyageurs de l’ère de la vapeur, les services de camionnage et de messagerie faisaient relâche le dimanche, le samedi étant une « petite » journée, souvent une demi-journée. Avec l’arrivée de la semaine de quarante-quatre heures (ou cinq jours) au début des années 1950, l’horaire de six jours a pu être maintenu grâce à l’ajout d’un quart de relève. Cela signifiait simplement qu’un travailleur faisait une semaine de six jours pendant cinq semaines et qu’un employé de relève le remplaçait la sixième semaine. Dans bien des cas, les gares où les véhicules du CN s’arrêtaient étaient fermées le samedi, mais le chef de gare ou l’exploitant avait la responsabilité de prendre des arrangements pour rencontrer le véhicule lors de son arrêt régulier. Dans certains cas, le conducteur s’introduisait lui-même dans la gare, échangeait les colis et laissait les documents dans une boîte. Dans un cas documenté, il avait même été entendu qu’un chauffeur jette quelques morceaux de charbon dans le poêle de la gare pour garder au chaud des poussins destinés aux fermiers locaux!
Dans les régions urbaines, comme Toronto, Montréal, Hamilton, Moncton et Winnipeg, des douzaines de véhicules (express et de marchandises, mais surtout les premiers) desservaient les expéditeurs des environs. Dans les grandes villes, les véhicules qui empruntaient les voies rapides, court-circuitant les trains de voyageurs locaux, s’occupaient souvent de la cueillette en régions périphériques d’envois express à être chargés à bord de trains de nuit de marchandises ou de voyageurs (c’est-à-dire des trains à horaire fixe) ou, de plus en plus au cours des années 1950, à bord des vols de Trans-Canada Airlines (ces véhicules, exploités dans le cadre d’un service coopératif, affichaient les emblèmes de CN Express et de TCA Express).
Les conducteurs du CN étaient des hommes bien formés et rigoureusement mis à l’épreuve quotidiennement. Il leur arrivait parfois de participer à des compétitions locales, tenues dans des quartiers densément peuplés avec de nombreuses rues à sens unique, et ils en ressortaient souvent vainqueurs. Non seulement ces hommes étaient-ils responsables du transport rapide et sécuritaire des marchandises, mais ils jouaient un rôle important dans les relations publiques des chemins de fer pendant l’ère de la vapeur, époque à laquelle le CN et les sociétés ferroviaires sollicitaient activement les entreprises locales.
Les véhicules express du CN ont été peints bleu foncé pendant toute l’ère de la vapeur. Dès leur lancement en 1931, le côté de la boîte de camion était orné d’un emblème doré placé à un angle de sept degrés sur lequel on pouvait lire les mots « Canadian National Express ». Un emblème identique mais plus petit décorait la portière de la cabine de conduite. Sous l’emblème de la boîte de camion, les mots « Canadian National Express » apparaissaient en grosses lettres dorées. Selon les véhicules, « Canadian National Express » pouvait aussi être écrit en lettres dorées sur le capot de la cabine de conduite. Sous l’emblème en lettres dorées de la cabine de conduite, on pouvait lire un numéro de trois ou quatre chiffres précédé de la lettre G. Le 18 août 1953, l’emblème en forme de feuille d’érable a été inauguré sur les camions de la société en remplacement de l’ancien emblème. Dès lors, toutes les grandes lettres sont rouges sur un fond de feuille d’érable ou de rectangle doré, l’unique mot « Express » remplaçant l’appellation plus longue sous l’emblème. Le numéro du véhicule sur la cabine de conduite reste doré. Comme il a déjà été mentionné, là où des services coopératifs existaient déjà, l’emblème circulaire de TCA Express Services était peint à côté de l’emblème ou de la feuille d’érable de CN Express, selon l’époque, sur les véhicules bleu foncé.
Les véhicules de camionnage du CN étaient peints de couleur orangé. L’emblème de la société était disposé à la diagonale sur la boîte et la cabine de conduite du camion, comme pour les véhicules express. On ne sait pas de quelle couleur était l’emblème, mais il s’agissait probablement de lettres dorées sur fond rouge ou vert. On pouvait lire sous l’emblème de la boîte du camion les mots « Transportation Ltd. » ou « Cartage Services » selon le véhicule. Le numéro du véhicule était peint sous l’emblème de la cabine de conduite. Comme pour les véhicules express, l’emblème en forme de feuille d’érable a été lancé sur les véhicules de marchandises en août 1953, le mot « freight » étant écrit en lettres moulées sous les emblèmes de la boîte et de la cabine de conduite, remplaçant les anciens titres. On ne connaît pas la couleur exacte de la feuille d’érable, mais elle était probablement verte. En plus de ces signes distinctifs habituels, les véhicules de marchandises faisaient souvent de la publicité pour le CN en arborant d’énormes affiches colorées qui occupaient la majeure partie des panneaux latéraux arrière de la boîte du camion.
Sur les bâches de canevas des véhicules express et des camions de marchandises, on voyait un emblème où on pouvait lire « Canadian National ». L’emblème était flanqué des mots « Express » et « Services » ou « Cartage » et « Services » en lettres moulées. Il faut souligner que ces bâches étaient utilisées indifféremment pour les véhicules de transport routier express et de marchandises.
Comme on peut le voir sur les photos, il y avait toutes sortes de modèles de cabine de conduite et de boîte de camion, tant parmi les camions de marchandises que les camions express. Il serait sans doute difficile de prouver que le CN n’a pas utilisé un modèle de véhicule en particulier.
Pendant les années 1950 et le début des années 1960, le réseau ferroviaire nord-américain a graduellement abandonné le transport de colis de détail. À mesure que les sociétés se retiraient successivement du marché, l’ensemble de l’organisation a commencé à sous-traiter des services. Le service express du CN était toutefois une entreprise rentable pendant cette période et la société a commencé à envisager la possibilité d’amalgamer ses deux filiales de transport routier au début des années 1960. Cependant, à la fin des années 1960, les expéditions de détail ont été abandonnées partout en Amérique du Nord et, au cours des vingt années qui ont suivi, l’ancien « Cartage Services » a changé de nom plusieurs fois jusqu’à ce qu’il soit abandonné complètement. Entre-temps, la concurrence féroce du transport routier et l’abandon des trains de voyageurs ont érodé le réseau desservi par les véhicules express du CN. Cette filiale a été vendue dans les années 1990.